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En vadrouille sur le sous-continent indien
12 mai 2007

Bengale

La cite de la joie

Apres plusieurs jours peu productifs a Puri, je prends le train de nuit pour Kolkata (anciennement Calcutta), troisieme plus grande ville du pays et capitale de l'Etat du Bengale. Je n'ai pas pu avoir la couchette superieure, et au petit matin, je suis reveille de la facon la plus agreable qui soit : deux Indiens assis sur mes petites gambettes. Si vous avez deja eu l'immense privilege de me voir au saut du lit, vous pouvez imaginer le regard sympathique que je leur ai reserve.

Apres m'etre installee dans un hotel miteux, je pars explorer la ville, en quete d'une premiere impression. Je decouvre avec surprise une ville agreable, loin du tableau depeint dans "La Cite de la joie". Quel plaisir de se balader dans une ville indienne dotee d'une vraie architecture et de beaux monuments ! Mais Kolkata est aussi pleine de contrastes : les mendiants cotoient les jeunes cadres dynamiques, le metro, les hand-pulled rickshaws - tires par la seule force des bras d'un homme.

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Je passe la deuxieme journee en compagnie d'un Indien dont j'ai oublie le prenom et que je nommerai donc Chapati. Il me fait decouvrir sa ville : le Victoria Memorial, superbe batisse dont le musee retrace l'histoire du Bengale, la cathedrale St Paul, decevante, et le temple de Kali, ou on tentera de m'extorquer des sous apres une visite foutage de gueule (= eclair et ininteressante).

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Je passe les journees suivantes a flaner au hasard des rues, dans les librairies (les plus grands ecrivains et poetes indiens sont issus du Bengale), les musees, les salles de cinema. Je me sens a l'aise dans cette ville captivante, peut-etre parce que l'heritage laisse par le Raj britannique me rappelle les metropoles europeennes et me permet de retrouver mes reperes, perdus depuis mon depart.

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Malheureusement, quelques jours plus tard, je fuirai a toutes jambes suite a ma rencontre avec un Indien d'une quarantaine d'annees pretendant "voir" mon aura, m'ecrivant des poemes ambigus, me racontant sa vie sexuelle et voulant m'emmener faire de la meditation. Ben voyons ! Je lui pose un gros lapin et m'enfuis vers Murshidabad, petite ville paisible a quatre heures de bus au nord de Kolkata.

Murshidabad

Kolkata a beau etre "facile" et passionnante, elle n'en reste pas moins une ville indienne avec son lot de pollution, sa circulation infernale, ses bruits de klaxon incessants, sa misere et ses bidonvilles. Quelle bouffee d'oxygene de se retrouver a Murshidabad ! La ville est dotee de nombreuses ruines et de sites interessants, que je n'aurai pas le plaisir de visiter : je suis de toute evidence la seule Blanche des environs et deviens tres vite l'attraction du village. On m'aborde toutes les deux minutes, avec une gentillesse inouie. On me bombarde de questions avec les moyens du bord - peu de personnes parlent anglais et moi, encore moins bengali - on m'offre sans cesse du chai. A l'hotel, je suis traitee comme une reine par le proprietaire. Bref, je suis accueillie a bras ouverts par tous.

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Le Bengale regorge de lieux interessants, mais il me tarde d'aller au Nepal. Je choisis de faire l'impasse sur plusieurs endroits et de monter a Siliguri, dans le nord de l'Etat, plaque tournante pour Darjeeling et le Sikkim, deux regions que je ne veux pas manquer. Sachant que je compte entrer au Nepal debut mars, je realise que je risque de manquer de temps pour visiter les deux regions a fond. Laquelle sacrifier ? Je prendrai ma decision une fois a Siliguri. Je decouvre qu'il y a une gare a Murshidabad ou je peux reserver un billet de train pour NGP, ville voisine de Siliguri. Du moins, tenter, parce que j'aimerais partir le soir-meme. Quand on veut reserver un billet de train, en Inde, il vaut mieux s'y prendre au moins la veille. Vous devez vous douter que ca me pose parfois probleme, moi qui ne sais jamais ce que je fais le lendemain. Bref, l'employe m'apprend que je suis 13e sur liste d'attente et me demande de repasser quelques heures plus tard pour savoir si je peux embarquer ou non a bord du train.

Sur le chemin du retour, des ecoliers me voient passer devant leur ecole : c'est l'emeute. Dix, vingt, trente gamins sortent de la cour et m'assaillent, le sourire aux levres, me reclamant des photos. Je reconnais quelques bouilles photographiees la veille. L'instit sort et me demande d'attendre la fin de la priere, puis m'invite a entrer. On m'apporte une chaise et j'assiste a la scene avec amusement : les enfants sont tous en rang, dans leurs uniformes, et chantent l'hymne national - ouf, on ne me fera pas chanter La Marseilleise - avant d'entamer ce qui ressemble a des prieres (je vous dis, je parle pas bengali...). Je me fais toute petite pour ne pas deranger, mais les 84 gosses sont deconcentres par ma presence et me lancent sans cesse des regards complices en retenant des rires. Je suis ensuite nommee photographe officielle de l'ecole et prends plusieurs cliches, que je leur enverrai quelques semaines plus tard. Je quitte l'ecole ravie par l'experience, apres avoir discute avec les instist autour d'un chai et de biscuits.

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C'est l'heure de retourner a la gare. C'est mon jour de chance : l'employe m'apprend que la place est disponible. En toute logique, je m'attends a ce qu'il fasse la reservation. Il reste sur sa chaise, les bras croises, le regard dans le vide. Je lui demande donc de reserver le billet. Yes, yes, me repond-il. Ben, je voudrais l'acheter maintenant. Yes, yes, now, possible. Il ne bouge pas le petit doigt. Tu peux faire la reservation maintenant ? Yes, yes, je peux la faire maintenant. Toujours rien. Je reviens a la charge. Soudain, une lueur traverse son regard et il se jette sur son ordi. Ouf, il a compris.

Je rentre a l'hotel, fais une sieste, fais mon sac a la bourre. Je finis par monter a bord d'une jeep en direction de la ville voisine ou mon train m'attend, ou ne m'attendra pas. La jeep s'arrete prendre des passagers un peu trop souvent a mon gout et je commence a me dire que je vais rater mon train, d'autant plus que je dois ensuite prendre un rickshaw jusqu'a la gare. Les passagers me rassurent : mon train part dans 30 minutes, il reste 15 minutes de jeep et au moins autant de rickshaw, donc, pas de quoi m'affoler. Ca me reconforte de voir que la logique indienne est pire que la mienne.

Je descends de la jeep, m'agite dans tous les sens a la recherche d'un rickshaw. Pas de bol : il n'y a que des cycle-rickshaws, qui vont a peu pres aussi vite qu'un escargot. Quand on n'a pas besoin de rickshaw, il y en a 15 qui tournent autour de vous tels des rapaces autour de leurs proies; et quand on a besoin d'eux, personne n'est la. Je finis par degoter un rickshaw a moteur et m'engouffre dedans sans prendre la peine de retirer Regatta de mon dos, en m'explosant le tibia au passage. Le prix de la course est bien trop eleve, mais pour une fois, je ne chipote pas. Je prie le chauffeur de faire au plus vite. Malheureusement, sur le pont, un bouchon nous empeche d'aller plus loin. Mon chauffeur veut tellement bien faire qu'il cree un nouveau bouchon et qu'il doit pousser son vehicule manuellement pour laisser passer les camions. Je ne porte plus ma montre depuis belle lurette et n'ai aucune idee de l'heure, mais ce dont je suis sure, c'est que je vais rater mon train. La route se debloque enfin. Je fais accelerer mon chauffeur et le fais passer la ou il n'est pas censer rouler, mais comme on est en Inde, quelle importance ? Nous voila devant la gare. Il est 19 h 14, l'heure precise a laquelle mon train doit partir. Je cours sur le quai. Rien. Et la, j'apprends que mon train a 45 minutes de retard. C'est pas avoir le cul borde de nouilles, ca ?

Darjeeling ou Sikkim ?

A 3 h du matin, je suis secouee par ma voisine de compartiment : nous arrivons a NGP. Il faut qu'on m'explique comment un train parti en retard puisse arriver en avance. Pas tres motivee pour chercher un hotel a une heure pareille, je rejoins la salle d'attente reservee aux femmes, remplie d'Indiennes installees a meme le sol en pleine pyjama party. Une dame pipi passionnee par son travail guette les allees-venues aux toilettes des unes et des autres, en prenant soin de nous racketter pour un simple lavage des mains ou une retouche beaute. Je suis morte de fatigue et de froid, mais finis par m'endormir sur mon siege dans une position improbable. Ma voisine, originaire de Darjeeling, me proposera de me deposer a Siliguri quand son mari sera arrive. Il n'arrivera jamais et nous partagerons un rickshaw. Une fois a l'hotel, je m'ecroule sur mon lit et m'enfonce dans mon duvet, epuisee et gelee.

Quelques heures plus tard, alors que je ne sais toujours pas si je vais a Darjeeling, au Sikkim ou les deux, je tombe sur Manu et Justine, qui reviennent... du Sikkim et de Darjeeling. Le temps est pourri dans les deux endroits - froid glacial et neige - mais ils me conseillent le Sikkim. Je suis leur conseil et file faire ma demande de permis : le Sikkim est une region sensible a cause de ses frontieres avec la Chine, meme s'il n'y a aucun conflit. Contre toute attente, l'obtention de mon permis se fait en deux temps trois mouvements. Le personnel me donne un avant-gout de ce qui m'attend au Sikkim : des gens souriants, chaleureux, pas prise de tete. Nous nous remercions mutuellement de notre bonne humeur. Je sors du bureau toute guillerette : demain, je pars dans l'Himalaya !

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