Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
En vadrouille sur le sous-continent indien
28 juin 2007

Holy Ganges

Envoûtante, fascinante, oppressante, déroutante, magique, mystique... Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier Varanasi (anciennement Bénarès), ville sainte située au bord du Gange, le fleuve sacré où une myriade de pèlerins affluent pour se laver de leurs péchés. Tous les stéréotypes de l'Inde semblent converger ici : le chaos, la foule, les vaches sacrées, le harcèlement, le bruit, la spiritualité, la misère, la saleté. Une ville riche en paradoxes où la vie et la mort se côtoient à tous les coins de rue.

                  Sikkim___Varanasi___KTM_021 Sikkim___Varanasi___KTM_002 Sikkim___Varanasi___KTM_593

Le jour n'est pas encore levé lorsque Beatrice, Alex, Tom et moi - mes acolytes du Sikkim - débarquons à Varanasi, presque 24 heures après avoir quitté la gare de NGP. "Varanasi is crazy.", nous a prévenus Tom, qui connaît déjà la ville. La traversée du hall de la gare est épique : nous slalomons entres les dizaines de personnes entassées à même le sol; nos délicates narines sont assaillies par des odeurs peu ragoûtantes d'urine et d'excréments. Les rickshaw-wallah, fidèles à eux-mêmes, nous prennent d'assaut. Welcome to Varanasi.

Dans le dédale des rues de la vieille ville, il est inévitable de poser le pied dans les ordures, une mare de pisse ou une bouse de vache. L'animal sacré bouche d'ailleurs souvent le passage dans ces rues pleines de charme mais si étroites. La foule est oppressante, les bruits, assourdissants, les odeurs, nauséabondes : les ordures, les déjections humaines ou les fumées des corps incinérés. Pas question d'acheter à manger dans la rue comme j'aime habituellement le faire : Varanasi est de loin la ville la plus sale que j'aie jamais vue. L'eau du Gange*, une des plus polluées au monde, est employée pour rincer les légumes servis dans votre assiette, nettoyer votre verre, laver vos pantalons, etc. De quoi tomber facilement malade, mais mes intestins se montreront relativement solides.

                            Sikkim___Varanasi___KTM_019 Sikkim___Varanasi___KTM_042 Sikkim___Varanasi___KTM_170

Le Gange est bordé de ghats, ces marches où l'on vient faire sa lessive, méditer, se laver de ses péchés et, surtout, incinérer ses cadavres. Pour un Occidental, assister à une scène de crémation à Varanasi est une expérience des plus étranges. Pas de répit sur les ghats crématoires : chaque jour et 24h/24h, une dizaine de corps y sont incinérés, en public. Seuls les enfants, les sadhus (= ascètes), les femmes enceintes (considérés comme purs) et les lépreux (afin que les bactéries ne se dispersent pas...) ne sont pas brûlés mais jetés directement dans le Gange. Quel rituel est réservé aux autres ? Le cadavre, souvent enveloppé dans un linge et couvert de fleurs, est plongé dans le fleuve avant d'être déposé sur le bûcher. On allume de l'encens et on récite des mantras. Le corps mettra 4 à 6 heures à se consumer entièrement. Ses cendres seront ensuite jetées dans le Gange, ce qui lui permettra de se libérer du cycle des réincarnations. Les femmes proches du défunt ne sont pas autorisées sur les ghats crématoires : leur chagrin l'empêcherait de passer dans l'autre monde en toute sérénité.

C'est d'abord avec malaise, révulsion, puis fascination, que j'assiste à ma première crémation. Comment réagir face à un spectacle aussi surréaliste ? Des bûches par milliers, des corps qui se consument, d'autres qui attendent leur tour, un pied qui dépasse du brasier, des cendres qui s'envolent et se déposent sur vous... A force d'observer tous ces hommes affairés autour des bûchers, paradoxalement, ce haut lieu mortuaire m'apparaît débordant de vie. Et à deux pas de là, en effet, la vie continue : les hindous s'immergent dans le Gange afin de se purifier; les Indiennes étendant leur linge sur les ghats; sadhus, bateliers et autres vendeurs de haschish alpaguent le touriste; les vaches sacrées chargent les passants (il y a du vécu) et les enfants rient aux éclats...

Sikkim___Varanasi___KTM_099 Sikkim___Varanasi___KTM_163 Sikkim___Varanasi___KTM_218 Sikkim___Varanasi___KTM_166

*Article intéressant trouvé sur Internet :
A certains endroits, les eaux du Gange sont tellement polluées qu'aucune vie aquatique n'y est possible. Pourtant depuis des années, des sommes astronomiques sont versées pour sauver le fleuve sacré.
Chaque jour, la capitale religieuse de l'Inde voit environ 60 000 Indiens - et quelques Occidentaux qui se veulent plus Indiens que les Indiens - se baigner dans les eaux sacrées du Gange. Savent-ils seulement que le long des 7 kilomètres qui longent Varanasi, une trentaine d'égoûts se déversent continuellement dans le fleuve ? Certains l'ignorent certes, mais ce n'est sûrement pas le cas de Mohant Veer Bhadra Mishra, ancien directeur du département de génie civil et professeur d'hydrolique à la Benaras Hindu University, et à la fois Mohant (" prêtre en chef ") du fameux temple Mochan Sankat.
Proclamé l'un des sept " héros de la planète " par Times magazine en 1999 pour son engagement en faveur de la rédemption du Gange par le biais de l'ONG qu'il a fondée en 1982, la Mochan Sankat Foundation (MSF), le saint homme sait de quoi il en ressort puisque son laboratoire analyse des échantillons du fleuve recueillis devant ses bureaux du Tulsi ghat sur une base quotidienne. Néanmoins, tous les jours après la prière, le professeur Mishra se baigne dans les eaux sacrées ; c'est que la foi l'emporte sur la science. " Pour les hindous, le Gange est une déesse ; elle est notre Mère à tous. Elle purifie, cure, absous. " explique-t-il.

Pourtant, le Gange est tellement pollué qu'à certains endroits, l'eau ne contient plus d'oxygène - rendant toute vie aquatique impossible - et le taux de bactéries coliformes, provenant des excréments humains, avoisine les 1.5 millions par 100 ml d'eau. Alors que pour la baignade, selon l'Organisation mondiale de la santé, ce chiffre ne devrait pas dépasser les 500 et pour être bue, l'eau ne devrait en contenir aucune. C'est précisément la bactérie coliforme qui est à l'origine des maladies liées à l'eau : choléra, hépatites, diarrhées, problèmes cutanés…

Publicité
Commentaires
En vadrouille sur le sous-continent indien
Publicité
Archives
Publicité