Royal Chitwan National Park
Mars 2007
A une heure indécente, Alex, Céline et moi embarquons dans un bus typiquement népalais, c'est-à-dire, délabré. Cap sur Chitwan, dans le Terai, la seule région de plaines du pays. Réserve naturelle de 932 km2, Chitwan accueille plus de 50 espèces de mammifères : tigres, ours, rhinos unicornes, singes, léopards, éléphants... sans oublier 450 sortes d'oiseaux et 67 types de papillons. Malheureusement, ces espèces sont menacées : en 2000, on dénombrait environ 500 rhinos unicornes; en 2005, il n'en restait plus que 372.
Malgré un trajet sans encombres (= le bus ne fonce pas dans le décor), je suis loin d'être au mieux de ma forme : depuis la veille, nausées, fatigue, diarrhée et perte d'appétit (symptôme le plus alarmant), sont venues me perturber.
Après avoir rembarré les hordes de rabatteurs plus féroces que jamais à la sortie du bus, nous grimpons à bord d'une jeep et filons à l'hôtel, situé à deux pas de la rivière dans un cadre idyllique et dépaysant. L'endroit rêvé après ces deux semaines passées à KTM. Adieu pollution, foule grouillante et concerts de klaxons. Changement de décor, changement de climat : très vite, une chaleur moite nous enveloppe. Après nous être installées dans notre joli bungalow, nous organisons nos activités et optons pour un package personnalisé : le soir-même, spectacle "traditionnel" spécialement concocté pour les touristes, suivi le lendemain d'une balade en pirogue, d'une rando dans la jungle, du bain des éléphants puis, pour finir en beauté, d'une balade à dos d'éléphant. La journée s'annonce bien remplie ! L'hébergement et les repas sont inclus et illimités. Sauf, bien sûr, pour la malade de service, condamnée au savoureux régime riz blanc-coca-antibio. Un régal.
Les filles passent l'après-midi au village tandis que je fais une bonne sieste, bien sûr entrecoupée de moults allers-retours aux toilettes. Après dîner, nous allons assister à une danse traditionnelle Tharu (l'ethnie principale du Terai), qui me rappelle quelques spectacles auxquels j'ai assisté en Inde du Sud.
Le lendemain, lever à l'aube : qui va traquer rhinos, tigres et éléphants ? C'est nous ! Pour commencer, nous prenons place à bord d'une étroite pirogue rasant la surface de l'eau. Ca tombe à pic : la rivière est infestée de crocos. En silence, nous nous laissons glisser lentement au fil de l'eau, dans l'atmosphère féerique du matin. Le seul croco que nous verrons, timide, ne se laissera observer que de loin. Une myriade d'oiseaux plus magnifiques les uns que les autres viendront virevolter au-dessus de nos têtes ou se poser sur les berges.
En regagnant la terre ferme, une surprise nous attend, et pas des moindres : un rhino unicorne galope à quelques centaines de mètres de nous ! C'est d'autant plus impressionnant que nous sommes à pied, lâchées dans la jungle, ce qui fait de nous d'éventuelles cibles... Nos estomacs se nouent au fur et à mesure que le guide nous explique comment réagir si on rencontre un mammifère affamé ou qui aurait envie de nous piétiner. Comme j'ai bien retenu la leçon et qu'on n'est jamais à l'abri de rien, voilà donc ce que vous devrez faire si vous êtes un jour confrontés à ces situations : un rhino vous pourchasse ? Courez en zig-zag ou grimpez à un arbre. Vous tombez nez-à-nez avec un ours ? Rassemblez-vous et faites un tintamarre d'enfer. Vous croisez la route d'un tigre ? Là, c'est dommage... Seule une prière pourrait peut-être vous sauver. Ca ne nous rassure qu'à moitié de savoir que les rhinos ont une piètre vue, qu'ils savent encore moins grimper aux arbres que nous, et qu'on a peu de chances de tomber sur un tigre. Pour couronner le tout, les fameux arbres ne sont même pas "grimpables".
Hop, on resserre nos lacets de chaussures, on respire un bon coup et on se met en route. Après le discours du guide, on espère presque ne pas croiser une de ces charmantes créatures chargeuses/mangeuses d'hommes. Pourtant, on est là pour ça, non ? Au final, mis à part Céline dont le sang servira de repas aux sangsues à quelques reprises, aucune attaque ne sera à déplorer. Nous voilà presque déçues... Nous verrons tout de même un croco, des traces de rhino que le guide nous fera suivre, et pas mal de singes volant d'arbres en arbres en poussant des cris aigus.
Après la balade, retour à l'hôtel où nous enfilons nos maillots : c'est l'heure du bain des éléphants. Direction la rivière où le "maître des éléphants" nous colle une pierre ponce entre les mains. Et que ça frotte ! Alex et moi n'osons pas appuyer trop fort de peur de l'écorcher... Vu l'épaisseur de sa peau, aucun risque pourtant ! Notre pachyderme, très joueuse, se laisse dorloter et semble prendre son pied. D'ailleurs, nous faisons gaffe aux nôtres : si une de ses pattes dérape, c'est le broyage assuré. La toilette terminée, on rentre se doucher, enchantées par cette expérience unique qui nous a fait régresser en enfance.
Après un nouveau déjeuner divin au riz blanc arrosé de coca pour moi, nous retrouvons notre pachyderme atitrée pour une balade dans la jungle, perchées sur son dos. Nous nous asseyons dans une sorte de panier, chacune à un angle, les jambes ballantes. Conseil d'amie si vous projetez de vous balader à dos d'éléphant : pensez à vous armer de coussins, sinon, votre postérieur risque d'être traumatisé quelque temps. Après une traversée du village qui nous semble interminable, nous pénétrons enfin dans la jungle. Nous juchons tellement haut que nos visages ramassent toutes les branches d'arbres et les toiles d'araignées au passage. Cet après-midi, nous serons gâtées : nous verrons de nombreux oiseaux, des paons en pleine parade, des biches, des crocos, et surtout, pas moins de 5 ou 6 rhinos. Approcher ces mammifères d'aussi près restera une expérience forte, même si on a l'impression qu'ils sont domestiqués et mis là exprès pour faire plaisir au touriste...
Le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil amplement méritée après cette jourée bien remplie, nous grimpons dans un bus aussi luxueux que celui qui nous a conduites à Chitwan. Pokhara, son lac et ses montagnes nous attendent.