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En vadrouille sur le sous-continent indien
10 février 2007

Droles de dames

[Paragraphes en italique : Gaelle; commentaires en gras : Gege]

Arnaques, piquouses et cocotiers

Vendredi 29 decembre

Il est 7 h, mon reveil sonne. Je saute du lit sans probleme, meme si l'excitation m'a empechee de dormir. Eh oui, c'est le grand jour : je vais chercher Gaelle et Geraldine a Trivandrum, a 1 heure en train de Varkala. Elles n'ont pas eu mon dernier mail et ignorent encore qu'elles devront rentrer a Varkala sans moi, comme des grandes. J'ai en effet decide d'aller voir un medecin occidental chez Kim's hospital, le meilleur du coin, pour cause d'infection urinaire multi-recidiviste dont j'aimerais me debarrasser une bonne fois pour toutes.

Je suis a Varkala depuis quelques jours et mes journees se resument a lezarder sur la plage, faire du shopping (il me manque la moitie de mes cadeaux de Noel plus le cadeau d'anniv' pour Gaelle), prendre des verres et diner avec mes cops australiennes. Et la nuit, il m'arrive de chasser les grosses betes a huit pattes qui peuplent ma chambre, mais vous n'aurez qu'a relire mes mails du Guatemala puisque c'est grosso-modo la meme histoire.

A la gare, je reconnais le sac a dos bleu Decathlon que j'ai prete a Gaelle. Je fonce vers les filles en courant. Apres des retrouvailles surrealistes (bizarre de retrouver ses copines pas vues depuis deux mois !), nous allons prendre le petit dej' dans le boui-boui de la gare (1), qui sera tres vite envahi par nos jacasseries. Je leur annonce que je vais a l'hopital et qu'on se retrouvera plus tard a l'hotel, mais comme ce sont de vraies cops, elles insistent pour m'accompagner. Elles n'ont pas encore idee de la journee qui les attend (2).

Retrouvailles émouvantes... et rageantes ! Ben oui, notre routarde préférée est toute bronzée, en jupe-débardeur, tandis que nous, on est blanches comme des... Européennes-en-janvier-sortant-de-12-heures-d'avion ! Le choc culturel n'est en tout cas pas au rendez-vous, soit parce que le Kerala ne nous change pas d'autres pays qu'on a déjà visités, soit parce que la fatigue nous voile les yeux ! Un peu des deux sans doute... Toutes à notre joie de retrouver notre copine, on refuse de la lâcher dans la nature (comme si elle ne se débrouillait pas toute seule depuis deux mois...) et on découvre avec "joie" l'hôpital indien. On n'a pas encore idée de la journée qui nous attend...

Nous prenons un rickshaw et fixons le prix de la course a 100 Rs. Pas de bol, une manif oblige notre conducteur a faire un certain nombre de detours et il augmente le tarif de 20 Rs. Arrivees devant l'hopital, je tends 150 Rs au chauffeur, qui fait comme par hasard passer la course a 150 Rs et refuse de me rendre la monnaie. A peine arrivees, les filles vivent leur premiere arnaque. Grosse prise de tete avec le chauffeur, qui finit par me rendre la quasi-totalite de ce qu'il me doit (3).

Je me dis en voyant la réaction de Sabrina, qu'en plus du chocolat et du fromage, on aurait dû lui amener un peu de Prozac. Les crises de nerf et la bouffe épicée vont finir par lui trouer l'estomac. Mais face à tant de mauvaise foi, il n'y a que la fatigue qui nous empêche de réagir comme elle...

A la reception, je demande a consulter un docteur occidental. La salle d'attente est pleine a craquer, mais un monsieur me conduit immediatement au service de medecine internationale et je n'attends pas, contrairement aux Indiens. Je suis prise en charge par deux adorables indiennes, Mlle Super-Gentille et Mlle Super-Adorable. Elle rentrent mes donnees dans l'ordinateur et me remettent ma carte de "membre" de l'hopital. Trop classe, ca me fera un super souvenir. On me conduit ensuite dans un bureau ou m'attendent deux medecins indiens. En realite, il n'y a pas de medecins occidentaux ici. Mais l'hopital est propre et moderne et leur bureau n'est pas dans la rue, contrairement au medecin ayurvedique que j'ai consulte a Goa.

Raconter ses problemes de vessie a des medecins indiens qui ont un accent a couper au couteau, ca fait partie des experiences a vivre une fois dans sa vie. Ils m'examinent rapidement et me remettent une grille comportant differents examens. La case "urine test" est cochee. Jusque la, tout va bien. Mais la case "blood count" l'est aussi. J'ai un flash et mes cours de trad medicale du DESS me reviennent soudainement en memoire. En francais, "numeration des leucocytes". En francais-francais, "prise de sang". Je deviens blanche, puis verte, puis violette; mes mains se mettent a trembler. J'ai la phobie des prises de sang / vaccins / piqures / perfusions. Une prise de sang en Inde, c'est mon pire cauchemar (a egalite avec une operation de l'appendicite ou des dents de sagesse au Nepal). M'dame la doctoresse, je vais pas si mal, vous savez. L'analyse d'urine devrait suffire, non ? La madame est categorique et moi, je panique. Une assistante vient me chercher et m'accompagne au labo. Au passage, je cours chercher Gaelle pour qu'elle me soutienne psychologiquement. Je pars seule en Inde, mais j'ai peur d'une petite prise de sang de rien du tout.

Je fais d'abord pipi dans deux flacons, puis je vais attendre mon tour a l'abattoir. Mlle Prise-de-sang m'attrape le bras droit. Gaelle, au secours, t'as pas des blagues ? Pourquoi elle trouve pas ma veine ? C'est parce que je suis trop bronzee ? Pourquoi elle me tapote le bras comme ca ? Tu crois que l'aiguille est propre ? Mlle Prise-de-sang, peut-etre que ca marchera mieux sur le bras gauche ? Pour me changer les idees, Gaelle me raconte les derniers potins sur mes collegues de TTT. J'ecarquille grand les yeux en l'ecoutant jouer les commeres pendant que l'infirmiere m'enfonce enfin l'aiguille dans la veine. Une fois la torture passee (meme pas mal), Gaelle m'avoue qu'elle a tout invente. Dommage, c'etait croustillant. Je retourne dans la salle d'attente.

1 heure plus tard, Mlle Prise-de-sang vient me chercher, mon dossier entre les mains. Elle me fait traverser de longs couloirs ainsi qu'une salle remplie de lits et de malades. A ma grande surprise, elle me fait allonger sur un des lits et me demande d'attendre ici. Tiens, drole de salle d'attente. J'attends, j'attends, et aucun signe du medecin. Le temps passe et toujours personne. Je commence serieusement a m'inquieter. Je me leve, vais trouver une infirmiere et lui demande ce que je fous ici. Elle parcourt mon dossier, parle en malayalam - ma langue indienne preferee - a ses collegues. Les regards en coin qu'elles s'echangent ne presagent rien de bon. Elles me disent que je ne dois pas rester seule et qu'elles vont faire monter les filles, avant de me renvoyer au lit sans explications. Gros coup de flippe. Je vois deja G. & G. m'apporter Regatta et passer leurs vacances sans moi, pendant que je serai clouee sur ce foutu lit. Les draps ont l'air propres, mais si possible, je prefererai dormir dans mon sac a viande. Et j'espere que je pourrai au moins avoir une chambre individuelle. Et si j'etais rapatriee ? 1 heure sur un lit d'hopital a Trivandrum, c'est plus flippant que 3 jours a Bombay.

L'horloge tourne, mais moi, je n'ai pas bouge. Ils m'ont oubliee ou bien ils comptent m'operer ? Je retourne les trouver et leur demande plus fermement ce que j'ai. Cette fois, elles peuvent se brosser pour que je retourne me coucher. Mais toujours rien. Une dame vient me chercher et me demande si je peux descendre l'escalier ou si je prefere l'ascenseur. Mais je suis pas malade ! Elle me demande ce que j'ai. Justement, c'est la question que je me pose. Elle fronce les sourcils. You don't know what you have ? Ben, non, on veut rien me dire. Au passage, je passe faire signe aux filles, maintenant en etat de decomposition avancee. Elles m'apprennent que Mlle Super-Adorable est venue me chercher. Je seme la dame et cours dans le bureau de Mlle Super-Gentille et Mlle Super-Adorable. Effectivement, elles me confirment qu'elles sont venues me chercher : elles ont mes resultats et tout va bien. Et la, tout s'eclaire : Mlle Prise-de-sang s'est trompee de dossier. Pas une fleche, celle-la, parce que mon nom, il fait moyennement indien. Pour un peu, je me faisais operer des amygdales ou du gros orteil gauche. Plus que soulagee, je file voir la doctoresse, qui m'apprend qu'ils ont decele des bacteries mais que mon infection est mineure. Et me revoila sous antibio pendant 7 jours (4).

Il est maintenant temps de rentrer a Varkala. G & G sont blanches comme des cachets d'aspirine et nous sommes loin d'arriver : rickshaw ou taxi jusqu'a la gare, puis train plein a craquer, puis re-rickshaw. Elles viennent de passer leur premiere journee en Inde dans un hopital, alors je decide de prendre un taxi direct jusqu'a Varkala qui, avec un peu de chance, sera pris en charge par mon assurance. Mlle Super-Adorable s'occupe de tout avec beaucoup de professionalisme et de gentillesse. Nous patientons plus d'1h heure affalees sur le canape moelleux de son bureau en degustant les biscuits et le the qu'elle nous a offerts. Elle fait baisser le prix de la course et me donne un recu comportant le cachet de l'hopital pour mon assurance. Si les filles ne ressemblent plus a rien, moi, je pete la forme depuis que je sais que je ne suis plus mourrante.

Le taxi finit par arriver. Je remercie chaleureusement mes deux anges gardiennes et nous prenons la route pour Varkala (5). Apres nous etre installees, nous allons boire un verre au Funky Art Cafe. A Varkala, difficile de trouver un bon restaurant. Ils servent du poisson pas frais et des plats continentaux et indiens infames. De plus, le service est extremement mauvais. C'est tout particulierement vrai au Funky Art Cafe, que nous boycotterons pendant tout le reste de notre sejour a Varkala. Eh oui, c'est la que les filles vivront leur deuxieme arnaque de la journee ! Les serveurs, de mauvaise foi, essaieront de nous faire payer les deux fameuses ginger beer qu'ils n'etaient pas censes nous compter. Cette experience aura au moins le merite de nous apprendre que dans la ginger beer, il n'y a ni ginger, ni beer.

Première journée épique, mais le spectacle de la mer en bas de la falaise rouge, de la végétation luxuriante et du coucher du soleil sur l'horizon rattrape bien toutes nos épreuves. On découvre la mauvaise foi, le harcèlement commercial, mais aussi la gentillesse, la curiosité bon enfant et les sourires éclatants. On (Je !) fait connaissance avec les moustiques varkaliens et le Odomos (anti-piqûres local), surnommé par mes soins Domestos (ou Demis Roussos). On représente parfaitements les sales Françaises râleuses et on savoure notre 1re nuit, serrées les unes contre les autres pour se tenir chaud (vraiment nécessaire vu la température), au son des vagues et du ventilateur.

Nous passons les journees suivantes a faire les boutiques, G & G ayant besoin de tongues (6), de creme solaire, d'anti-moustique, de sarongs, de t-shirts et de choses inutiles. Entre deux achats, nous nous faisons tsunamiser (= se retrouver a demi-nue en se cognant le front sur le sable apres le passage d'une grosse vague) (7), bronzer, et nous passons un temps incroyable dans les restaurants a attendre nos commandes, un record de deux heures ayant ete atteint chez les Tibetains. Mais comme ils sont tibetains et qu'ils servent les meilleurs momos du monde (beignets de viande ou de legumes frits ou a la vapeur), on leur pardonne (8).

Pour le nouvel an, nous allons diner chez Johnny Cool, notre cantine, le seul bon resto de Varkala (avec nos amis les Tibetains). Je fais peter mon sarong de soiree - en soie, s'il vous plait - et les filles revetent leurs tenues flambant neuves. Peu avant minuit, apres nous etre bien rempli la panse, nous sortons de chez Johnny et courons jusqu'a la falaise. Nous arrivons pile a temps pour le compte-a-rebours. 5, 4, 3, 2, 1... Happy New Year! Feux d'artifices et petards viennent nous casser les oreilles. Tous les Indiens que nous croisons nous serrent la main chaleureusement. Nos "happy new year" enjoues se transforment vite en "'py new year", puis "new year", prononces du bout des levres. Nous allons nous balader le long de la falaise - il n'y a malheureusement aucune celebration sur la plage - et nous arretons dans l'un des restos transformes en "nightclub" pour l'occasion. Et hop, nous voila sur le dance floor a nous dehancher au mileu d'Indiens ivres morts s'/nous arrosant de biere. Toutes les dix minutes, la musique s'arrete pendant un quart d'heure. Les restaurants n'ont pas de license pour servir de l'alcool et la police effectue des rondes bien hypocrites (backschish dans l'air). Vite lassees, et l'estomac plombe par ce trop-plein de nourriture, nous rentrons nous coucher sagement vers 3 h du matin.

Greve, traquenard et nenuphars

Le 2 janvier, nous quittons la splendide plage de Varkala pour Allepey, plus au nord. A notre arrivee, nous apprenons qu'il y a une greve et que tout est ferme. La raison de cette greve ? Une protestation contre la pendaison de Saddam... Comme l'a si bien dit Gege, Saddam, meme mort, il nous fait chier ! Bref, la nouvelle me met d'humeur massacrante parce que les filles ne sont la que deux semaines et je ne veux pas qu'elles perdent de temps. Apres moult tergiversations, nous decidons d'aller trouver un pecheur pour faire un tour dans les backwaters. Un peu apres la boat jetty, un Indien vient nous trouver et nous propose de faire une balade a bord de son bateau. Pile poil ce qu'on cherche. Son tarif est de 350 Rs pour 1 heure. Nous montons dans sa barque amelioree et commencons la balade. C'est tres reposant et les paysages que nous traversons sont magnifiques.

Cependant, il y a un hic (comme toujours en Inde) : la balade censee durer 1 heure dure deja depuis 1 h 30. Ca sent le traquenard ! Mais a part rentrer a la nage en slalomant entre les nenuphars, il n'y a pas grand-chose a faire. De toute facon, la balade est vraiment chouette, alors tant pis. Nous finissons par nous arreter dans un village et notre rameur nous demande si on veut boire du chai (= sorte de the tres sucre) ou des noix de coco. Nous allons nous asseoir, et peu de temps apres, il revient avec des bananes, un chai pour Gaelle et des noix de coco pour Gege et moi. Nos pailles sont noires de salete et le lait de coco rappelle plus le Paic citron que les Bounty. On s'imagine deja terrassees par une bonne vieille turista ou une dysenterie, mais comme on est des filles bien elevees, on boit sans broncher. Et on se rend compte que notre petit tour dans les backwaters, a priori loin du circuit touristique - nous avons le bateau pour nous seules - est en fait un gros traquenard. Qui paie les bananes, le the, les noix de coco et meme les boissons de nos rameurs ? Ben, c'est nous... Et qui fait un tour de 3 heures a plus de 1 000 Rs au lieu d'1 a 350 ? Ben, c'est encore nous... Pendant la deuxieme partie de la balade, enervees de nous etre fait avoir de la sorte, nous admirons tout juste les paysages et sommes a deux doigts de nous endormir... La petite promenade sympa nous laisse un gout amer dans la bouche (le lait de coco aussi). Au moment de payer, un de nos rameurs a le culot de nous reclamer un pourboire, qu'il se mettra ou je pense. Finalement, avec le recul, nous garderons un bon souvenir de cette excursion, qui nous aura permis d'en voir bien plus qu'en passant par une agence (9).

La turista nous laissera en paix et on gardera de beaux souvenirs d'eau (légèrement huileuse quand même) couverte de nénuphars, de cocotiers et autres arbres tropicaux, de saris séchant au soleil (et dans la poussière), de femmes et d'hommes lavant leur corps/la vaisselle/leur linge au bord de leurs maisons...

Spice Land

Le lendemain, nous partons pour Kumily, dans les terres, en altitude.

Petite précision sur le voyage : Géraldine et moi faisons connaissance avec les bus indiens, pas très confortables, les chauffeurs indiens, complètement tarés, et le code de la route indien, absolument inexistant. En chemin, on s'arrête dans une "salle de bain", c'est-à-dire un boui-boui restau, où nous mangeons le plat unique, le thali, à volonté, divin, pour 1 euro à trois ! C'est bien, l'Inde ! Et nous testons les toilettes, qui s'avéreront être grosso-modo propres et représentatives de toutes les autres (sauf parfois pour la propreté) : passages dans des couloirs sombres, vue sur les arrière-cuisines en plein air, objets inhabituels dans un restaurant, notamment des rondins de bois de 5 m de long, robinet et seau, absence de papier, et chasse qui chasse pas. Normal, quoi !

En arrivant devant notre futur-ex hotel, qui est complet, j'entends quelqu'un m'appeler. Je me retourne et, surprise, j'apercois Ellen et Andy, qui viennent d'arriver eux aussi. Nous migrons dans leur hotel, ou notre chambre passe de 900 a 400 Rs grace au talent de negociatrice d'Ellen. Le lendemain matin, le temps est brumeux et nous decidons de remettre notre visite du parc de Periyar a un autre jour. Pour la premiere fois depuis l'arrivee des filles, notre journee est bien remplie : visite d'un jardin d'epices a dos d'elephant, d'une usine a the, puis d'un autre jardin a epices, plus grand que le premier. Notre guide, Susheela, est une adorable quinquagenaire deja grand-mere deux fois. Elle nous fait gouter toutes sortes d'epices et de plantes de son jardin. A la fin de la journee, le the, la cardamome, le gingembre et le curcuma n'auront plus aucun secrets pour nous.

Susheela, gentille et commerciale hors pair, en profite pour nous demander de lui faire de la pub, pour sa plantation et sa tree house. Alors comme elle est sympa et que le lieu est serein et calme, voici le site : www.canaanvalleyperiyar.com.

Le lendemain, direction le Periyar Wildlife Sanctuary, peuple de tigres, comme annonce sur la brochure et dans ce fichu Lonely Planet. Une fois de plus, grace a notre organisation legendaire, nous arrivons trop tard pour la promenade en bateau de 9:30, censee permettre de voir les animaux se desalterer au bord du lac. Nous avons donc deux heures a tuer avant la prochaine balade. Apres quelques soucis lies a l'exasperante desorganisation indienne, nous montons enfin dans le bateau, dans une humeur noire, et pleines de mauvaise volonte (surtout Gaelle et moi). Evidemment, nous ne voyons rien, mais nous realiserons tres vite qu'il n'y a rien a voir. Gaelle et moi poussons des "oh" et des "ah" bourres de cynisme chaque fois que nous apercevons un canard ou un tronc d'arbre mort a travers les vitres du bateau. Pour tuer l'ennui, Gaelle se defoule dans son journal, Geraldine explique a ses nouvelles cops pre-prepuberes que Saddam etait tres mechant et moi, je baille aux corneilles en esperant que le bateau coule histoire qu'il y ait un peu d'action (10).

Moi, franchement, je ne comprends pas la réaction des filles. Periyar, j'ai A-DO-RE !!! Un conseil : éviter la balade en bateau complètement inutile et quitte à venir, faire la visite de la jungle ou les activités touristiques avec guide, histoire de rentabiliser le prix d'entrée. Autre conseil : penser à prendre des cours de yoga ou de méditation pacifique pour ne pas avoir envie de cogner certaines têtes les unes contre les autres.

Heureusement, le soir, nous nous rattrapons en assistant a un tres impressionnant spectacle de kalamarimachin, le plus ancien des arts martiaux.

Sab, fais marcher ta mémoire ! KALARI PAYATTU ! C'est pas si dur que ça !

L'apres-midi, apres avoir passe la matinee a la frontiere du Tamil Nadu, nous prenons un bus pour Munnar. La fin du trajet est epique et nous arrivons miraculeusement sans heurts a Munnar (11).

La route est en tout cas magnifique, et vers la fin du trajet, on passe à côté de choses superbes. Du moins, on a l'impression, parce que la nuit est tombée, il fait un froid de canard, les volets dans le bus sont fermés, et on est plus concentrées sur le chauffeur qui a l'air de vouloir battre des records de vitesse et de folie que sur le paysage.

"Moi, j'adooore Munnar"...

...m'exclamai-je toutes les trente secondes en sautillant. Eh oui, comment rester de marbre face a ces magnifiques collines verdoyantes recouvertes d'arbres a the ? Mais il fait tellement froid que pour dormir, je degaine pour la premiere fois ma TGAF (Tenue Glamour Anti-Froid) : ma polaire, mon calecon long et mes chaussettes de rando remontees par-dessus. Et c'est encore plus sexy lorsque j'enfile mes tongues pour aller a la salle de bain. A cote de moi, les Indiennes drapees dans leurs saris font bien pale figure, croyez-moi. Malheureusement, vous ne verrez pas de photos car il n'y en a pas (12).

Eh oui, il y a une preuve ! Blackmail material ! Notre chambre-palace (4 lits plus télé) est un congélateur-anti-sèche-linge. Notre lessive restera 4 jours sans sécher un brin et nous passerons 3 nuits à grelotter (surtout moi, en dépit du sac-à-viande, de la couverture, de la polaire, des 2 paréos...).

B-days

Munnar sera le theatre de deux evenements majeurs : les 26 ans de Gaelle ainsi que mes 25 ans pour la troisieme annee consecutive (speciale dedicace aux personnes en train de se dire : "Merde, j'ai oublie..."). Le 7 janvier, a minuit, Gaelle entre donc dans sa 27e annee. Nous fetons l'evenement en jouant rapidement au moulon (speciale dedicace Marie, Anna et Pierre) avant de nous coucher sagement. Le soir, apres une journee passee dans les plantations, nous lui offrons une jolie tenture achetee en cachette.

Je leur ai mâché le travail en geignant à chaque passage devant la boutique : "Oh, c'est trôôôp joli ! J'aimerais bien un truc comme ça !" Mes deux copines sont des menteuses et cachottières pathologiques. Et très douées en plus, parce que je n'ai rien vu venir !

Le lendemain soir, un allume autrichien s'incruste a notre table pour le plus grand plaisir de Geraldine, et nous apprend qu'une greve aura lieu le lendemain. Qui dit greve en Inde dit "absence de transports" et "absence de bouffe". Nous allons devaliser les magasins et lancons l'operation ravitaillement : chips, biscuits et flotte. On se croirait en temps de guerre. Ca promet, le repas, pour mon anniv (13).

Le 9, en effet, tout est mort a Munnar. Apres une grasse mat', nous filons par nos propres moyens (= a pied) dans les plantations et "pique-niquons" avec les succulents vivres achetes la veille, tout en jouant au Uno. Comme d'hab, Gege nous bat a plates coutures. A 18 h, la vie reprend lentement son cours et nous prenons notre premier vrai repas de la journee chez Iswarya, notre cantine. C'est un des seuls restaurants ouverts et le service est varkalesque. Deux heures s'ecoulent avant que la commande arrive. Pendant l'attente, des personnes arrivees apres nous sont servies avant. De la fumee sort de mes oreilles tellement j'ai envie d'aller etriper le cuistot et de preparer nos plats moi-meme. Nos snacks et nos boissons censes servir d'apero arriveront a la fin. Merci, messieurs, d'avoir saccage mon repas d'anniv'. Heureusement, en rentrant a l'hotel, les filles m'offrent un sponge cake avec des bougies dessus, du home-made chocolate, des Kit-Kat et, surtout, un bon pour un massage ayurvedique. Bref, cette annee, nos anniversaires ont plus le gout du masala tea et de veg curry que des Tucs et des cocktails aureliennesques de l'an passe (speciale dedicace Karine, Liam, Marie, Matt, CG, Aure, et surtout, Sam et Nico) (14).

Au restau, Sab fait preuve de ses talents comiques innés en faisant une légère critique au serveur. 1 h 30 après avoir commandé nos lassis, elle l'arrête, rouge de fureur, la fameuse fumée sortant des oreilles, et lui crie dessus : "On attend encore nos lassis ! Vous êtes en train de traire la vache ou quoi ?" Le pauvre n'a rien compris et il s'est juste écarté comme si c'était une lépreuse. Moi, ça m'a bien faire rire. Quel manque de courtoisie, Sab !

Cafouillages a Kochi

Nous partons en direction de Kochi. Sitot l'operation epilation-debardeur-jupe-tongues terminee, nous allons prendre rendez-vous pour un massage, et reservons une table dans un restaurant afin d'assister a un spectacle de bharatanatyam, danse traditionnelle du sud de l'Inde. Mais le lendemain, nous perdons du temps (grace a moi qui passe trop de temps a copier mes photos sur CD) et ratons la balade a velo que nous avions egalement prevue. Pour couronner le tout, nous apprenons que le massage dont nous revions tant est annule. Bref, notre dernier jour ensemble ne se passe pas comme prevu. Heureusement, nous finissons bien la journee en assistant au spectacle de danse autour d'un succulent diner.

Notre étape à Kochi a ses côtés bofs mais est illuminée, que dis-je,  transcendée par le magnifique film indien oscarisable qu'on a vu au cinéma. Vivah ! (C'est le titre), l'un des films les plus mélodramatiques (même pour un Bollywood) et conservateurs que j'aie vus récemment. Contrairement au "splendide" Dum II vu par Sab, où les Indiens mettaient de l'animation dans la salle, c'est plutôt nous qui en mettons, en se plaignant du manque d'échange de salive entre les deux héros qui ne rêvent que de ça. Frustrant, à la fin ! La  dernière journée est quand même riche en événements : on aide des pêcheurs à tirer leurs filets, et on est censées leur refiler une pièce alors qu'on s'est écorché les mains pour eux ! (bon, d'accord, j'exagère...) On marche, et on marche, et on marche, dans des rues de Fort Kochi qui ne m'ont pas l'air faites pour les touristes. Géraldine expérimente la glue indienne pour ses tongues, mais ça ne colle rien. Elle en est réduite à en acheter une 2e paire pour ne pas finir notre route pieds nus sur le bitume brûlant. (On a une de ces histoires d'amour avec les tongues dans ce pays...). Et les danseuses du soir font 1,20 m et ont 10 ans. Encore heureux qu'elles assurent !

Le lendemain matin, j'abandonne tristement les filles, apres avoir pris soin de leur refourguer une partie de ma PROI (Panoplie Ridicule d'Occidentale en Inde), et reprends ma route seule, vers de nouveaux horizons.

Nous poursuivons notre voyage, seules, abandonnées et déprimées (enfin, faut pas exagérer quand même, on est en route pour le Taj Mahal !!), en laissant derrière nous chaleur et moiteur. Après quelques heures de vol, nous ferons (un tout petit peu) connaissance avec l'Inde du Nord, les palais de maharadjah, les bazars de Delhi et la blancheur (pas si blanche que ça, vue de près) du Taj Mahal. Nous échangerons nos vues sur le mariage, la spiritualité, la pollution et les vaches avec un gentil couple de Benarès, nous verrons Old Delhi et New Delhi, nous marchanderons comme des bêtes tout, du prix des bijoux à celui des trajets en rickshaw, nous manquerons mourir de froid (5° quand même !) et reprendrons l'avion (British Airways, ça vaut pas un kopeck par rapport à Qatar Airways) pour retrouver notre bon vieux pays et tout ce qui nous a tant manqué. 1res réflexions émerveillées sur le trajet du retour : "Oh, ils grillent pas les feux rouges ! Oh, y a pas de vaches ! Chouette, je vais pouvoir remanger un steak !" Mais au bout de quelques jours, il y aura comme un manque de cardamom tea, de thali et de iddli, d'odeurs épicées, de champs d'arbres à thé, et bien sûr... de notre petite routarde voguant courageusement sous d'autres cieux.


1 Et que moi, je commence déjà par ne rien manger, ce qui deviendra mon habitude tout le long du séjour - à quelques exceptions près tout de même !

2 C'est vrai qu'on a fini un peu déchirées, avec Gaëlle, mais on a quand même fait la connaissance d'un très gentil monsieur qui nous a tenu compagnie un petit bout de temps. Comme il parlait un peu français, il était content de pouvoir s'exercer avec nous.

3 J'avais jamais vu Sab dans une telle fureur ! Moi qui la prenais pour une fille cool et sympa, ben elle l'était pas du tout avec ce chauffeur de rickshaw (qu'elle a tout de même traité au passage de "fucking liar"). Mais au fil du temps, je suis devenue pareille (c'est vrai qu'ils peuvent être très énervants quand ils le veulent, ces Indiens !)

4 La tête de Sab quand elle est revenue : elle était complètement flippée, et on la comprend. Avec Gaëlle, on en pouvait plus d'attendre en s'endormant lamentablement sur nos sacs, mais là, on a commencé à avoir un peu les boules. Et si jamais Sab devait se faire hospitaliser ? Super le premier jour en Inde ! Mais finalement, tout s'est bien terminé, à notre grand soulagement (et surtout à celui de Sab).

5 Ce que Sab oublie de dire, c'est qu'on a quand même un peu tourné en rond avant d'arriver enfin à l'hôtel. Le chauffeur était très gentil, mais impossible de lui faire comprendre le nom de l'hôtel, ni même ce qu'est un hélipad (parce qu'on n'était pas très loin de l'hélipad et que, naïvement, Sab croyait qu'en lui disant de nous y laisser, ça nous aiderait. Grave erreur : je crois qu'il n'a jamais compris ce qu'elle tentait désespérément de lui dire). Première découverte des problèmes de communication avec les Indiens du Kerala et leur malayalam-anglais.

6 Des tongues que, soit dit en passant, nous avons mis 2 jours à trouver. Impossible de mettre la main sur de stupides tongues en plastique, y avait que des trucs avec des perles ou en cuir (ou en "faux plastique" selon les termes exacts de Gaëlle, excédée par un vendeur qui voulait lui faire passer du plastique pour du cuir véritable). Bref, une fois qu'on les a enfin eues, nos précieuses tongues, on n'a fait que passer devant des boutiques qui vendaient toutes des p... de tongues en plastique ! Les nouilles, je vous jure ! "Oh, des tongues !" est ainsi devenue une phrase clé pendant quelques jours)

7 ouais, enfin uniquement Sab. On sait pas comment elle se démerdait, mais elle arrivait jamais à nous rejoindre. Elle se prenait tous les rouleaux alors qu'avec Gaëlle, on se laissait tranquillement porter par les vagues avant qu'elles n'aillent se crasher sur Sab) [meme pas vrai, Gaelle aussi, elle s'est bouffe le fond de la mer]

8 Ah, les momos, c'est bon. J'adore les momos !

9 Et en plus, Sab s'est fait délester d'un stylo par la gamine qu'on a rencontrée lors de notre petit arrêt goûter. Faut avouer qu'on s'est quand même bien marrées, malgré l'arnaque.

10 Ouais, enfin, si on est arrivées trop tard, c'est surtout parce qu'on n'était pas au courant qu'il fallait se pointer une demi-heure avant le départ pour acheter les billets. Et puis quand je pense qu'après, on a payé je sais pas combien pour avoir le droit de prendre nos appareils photos... Perso, je n'en ai fait aucune. Ah non, pardon, j'ai pris en photo les gamins avec qui j'ai discuté pendant la moitié de la balade. D'ailleurs, heureusement qu'ils étaient là, parce que ça m'a bien fait passer le temps. A un moment donné, j'ai eu le malheur de dire à la gamine que je trouvais Bush complètement crétin, du coup, elle est allée s'imaginer que j'aimais bien Sadam Hussein ! Alors quand je lui ai expliqué que c'était pas vraiment un mec sympa non plus, j'ai cru l'espace d'un instant que ses oncles autour allaient me zigouiller. Mais non. Simplement la lueur d'espoir qui brillait dans ses yeux s'est éteinte, surtout quand je lui ai annoncé que, non, je n'étais pas amie avec les Allemands à côté de moi qui avaient des jumelles (qui ne servaient de toute façon à rien, puisqu'il n'y avait rien à voir). Du coup, j'ai cessé de l'intéresser et elle est allée jouer avec ses cousins. Sniff...

11 Le début du trajet était pas mal non plus. A un moment donné, on a bien cru qu'on n'allait jamais y arriver. On a croisé plusieurs camions, et à chaque fois, il fallait reculer pour les laisser passer. Ca faisait bien marrer Gaëlle d'ailleurs, qui s'est moins bidonnée quand elle a cédé sa place à une vieille dame (suite à quoi, je me suis retrouvée coincée contre la paroi du bus, parce qu'une autre dame a jugé bon de s'asseoir sur la banquette qui normalement ne peut accueillir que 2 personnes), puis n'a retrouvé sa place que trois-quarts d'heure après. Ah, les joies du bus. Mais en même temps, on peut pas se plaindre, on était tout le temps assises.

12 Oh si, je crois que Gaëlle a dû te prendre en photo une fois avec son appareil, non ? J'espère, parce que franchement, y a pas de raison qu'il y ait que moi qui sois ratée sur les photos.

13 Ouais, très sympa, l'Autrichien, jusqu'à ce qu'il commence à nous dire que Dieu est partout et blablabli et blablabla. Là, j'ai décroché. Déjà que je participais pas beaucoup à la conversation avant... Mais enfin, on le remercie quand même car il nous a prévenu pour la grève. Coïncidence ou intervention divine pour nous permettre de manger un minimum le jour d'anniversaire de Sab ? A chacun sa théorie...

14 Comment j'ai trop assuré pour allumer les bougies ni vue ni connue dans la salle de bains avec le briquet subtilisé un peu plus tôt dans les affaires de Sab, en prétextant aller prendre ma douche... J'étais tellement convaincante en faisant couler l'eau pour couvrir le bruit de l'emballage du gâteau que Gaëlle a bien cru que j'allais vraiment en prendre une. Pendant ces quelques jours, je suis devenue une pro de la dissimulation et du cadeau fait en douce, avec l'aide de l'une ou l'autre de mes comparses.

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Commentaires
A
Ciao bella,<br /> <br /> Bon, c'est pas tout ça, mais c'est quand qu'on saura la suite, hein ? <br /> Non, je ne te mets pas la pression, mais je suis impatiente d'avoir quelques nouvelles nouvelles.<br /> Tout va bien ?<br /> <br /> Bises grippées, porte-toi bien.<br /> <br /> Anne-Lise<br /> <br /> PS : merci d'avoir pensé au 28 !
A
Ça y est, j'ai enfin eu le temps de lire tout ça... toujours aussi drôle (et en même temps, je compatis, oui oui). Maintenant, il faut que j'arrive à voir G & G pour avoir leur récit de vive voix... <br /> <br /> Bises fatiguées (pour cause de nuits blanches multiples) mais amusées (merci :-))
En vadrouille sur le sous-continent indien
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